La « colocation » au Luxembourg : Une réforme nécessaire, mais est-elle complète ?

La nouvelle loi luxembourgeoise encadre la colocation, définie comme la location d’un logement par plusieurs locataires via un pacte de colocation. Elle impose une solidarité entre colocataires pour les obligations locatives, notamment le paiement du loyer. Des questions restent en suspens, comme la gestion du départ d’un colocataire et la possibilité d'appliquer ces règles de manière facultative.

Dans la dernière édition de notre livre « Le Contrat de Bail en Droit Luxembourgeois », nous avons soulevé les problèmes liés au défaut de législation sur la « colocation » au Luxembourg, notamment en ce qui concerne la solidarité entre colocataires, le congé donné par un colocataire et le paiement du loyer.

Nous ne pouvons donc que saluer la volonté du législateur de donner un cadre légal à cette forme de location.

Une Définition de la Colocation

La notion de « colocation » est désormais définie par la loi : elle consiste en la location d’un même logement par plusieurs locataires, qui optent, avec l’accord exprès du bailleur, pour l’application des règles spécifiques de la colocation, en signant un pacte de colocation avant ou au moment de la signature du contrat de bail. Ce pacte détaille les aspects pratiques de la vie en communauté et doit contenir une série d’informations, tel que la répartition du loyer et des charges.

Un état des lieux intermédiaire est obligatoire lors du départ anticipé d’un colocataire pour déterminer les responsabilités de chacun en matière de réparations.

Solidarité des Colocataires

La loi impose une solidarité entre colocataires vis-à-vis des obligations du bail. Cela signifie que chaque colocataire peut être tenu responsable de la totalité des obligations locatives, dont notamment le paiement du loyer, si un autre colocataire fait défaut.

Le colocataire qui s’est exécuté peut en revanche se retourner contre le colocataire défaillant.

Avant l’introduction de la loi, les parties pouvaient déjà valablement opter conventionnellement pour une clause de solidarité. Aujourd’hui, la solidarité est de droit, mais sous condition que la relation entre parties soit effectivement qualifiée de « colocation » (cf infra, « Critiques »).

Fin de Bail et Remplacement d’un Colocataire

Si tous les colocataires décident de mettre fin au bail, un préavis de trois mois est nécessaire, signé par chacun et notifié au bailleur par lettre recommandée.

En cas de départ individuel, le colocataire sortant doit en notifier le bailleur et ses colocataires trois mois à l’avance et s’efforcer de trouver un remplaçant. À défaut, il doit démontrer avoir effectué une recherche active et suffisante. Si la moitié des colocataires quittent dans un intervalle de trois mois, le bailleur peut résilier le bail à l’égard de tous avec un préavis de trois mois.

Le colocataire sortant est délié de ses obligations à la date de signature de l’avenant au contrat de bail, à l’expiration du préavis de trois mois sous condition de recherche active et suffisante, ou, au plus tard, trois mois après l’expiration du préavis. La caution initiale se termine également à ce moment.

Critique

La grande question qui se pose d’emblée est celle de savoir si les nouvelles règles sont facultatives ou obligatoires. En effet, à la lecture de la nouvelle loi, l’on pourrait penser que les règles en matière de « colocation » s’appliquent seulement si un certain formalisme est respecté, dans la mesure où les notions de « colocation » et de « colocataire » sont fonction notamment de la signature d’un pacte de colocation, et de la signature d’un contrat de bail unique avec tous les colocataires.

Si ces formalités ne sont pas respectées, est-ce que les nouvelles règles ne s’appliquent alors tout simplement pas ?Les parties pourraient alors opter ou non pour l’application des nouvelles règles : si les parties veulent les inclure, ils doivent respecter certaines formalités. Dans le cas contraire, il suffit de ne pas les respecter.

La formulation de la loi, qui précise justement que la notion de « colocation » s’applique si les parties « optent » pour l’application des règles spécifiques, soutient cette thèse.

Cette question devra probablement être clarifiée par nos tribunaux.

La loi est également muette sur le sort de la part du loyer incombant au locataire sortant, si celui-ci est délié de ses obligations, mais qu’aucun remplacement n’a été trouvé en temps utile.

Est-ce que le bailleur doit supporter cette perte de loyer, ou est-ce que les colocataires restant répondent du montant restant ? Au vu de la solidarité légale prévue par le nouveau texte, l’on pourrait arguer que le risque en est pour les colocataires, même si cela ne correspond peut-être pas à l’objectif de la loi.

Ce ne sont pas les seules questions qui se posent, et la pratique nous donnera sans doute des réponses importantes.

Author

  • Fabien François

    Fabien François est un partenaire au sein de l'étude de Lex Thielen au Luxembourg. Admis au barreau de Luxembourg en juin 2019, il détient une licence en droit privé de l’Université de Montpellier, une maîtrise en droit européen de la concurrence de l’Université d'Amsterdam (2017), et un LL.M. en droit européen et international des affaires du Trinity College Dublin (2018), avec distinction. Il est également auteur de divers articles dans son domaine d'expertise. Parlant couramment le luxembourgeois, l'allemand, le français et l'anglais, Fabien François est un professionnel accompli et polyvalent.

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