Réforme du bail d’habitation au Luxembourg – Changements et Controverses

La réforme du bail d’habitation au Luxembourg clarifie les relations entre locataires et bailleurs. Elle impose un contrat de bail écrit, sous peine de nullité, et introduit des règles sur la colocation. Les frais d’agence sont partagés entre locataire et bailleur, et le loyer est plafonné à 5 % du capital investi. L'augmentation du loyer est limitée à 10 % tous les deux ans. La garantie locative est réduite à deux mois de loyer, avec des règles précises pour sa restitution.

La réforme du bail d’habitation a introduit une série de mesures destinées à clarifier et structurer les relations entre locataires et bailleurs. Voici un aperçu des principaux changements et des points de friction.

Colocation

Dans la dernière édition de notre livre « Le Contrat de Bail en Droit Luxembourgeois », nous avons soulevé les problèmes liés au défaut de législation régissant la « colocation » au Luxembourg, notamment en ce qui concerne la solidarité entre colocataires, le congé donné par un colocataire et le paiement du loyer.

Nous ne pouvons donc que saluer la volonté du législateur de donner un cadre légal à cette forme de location, qui est finalement définie par la loi.

Dans la mesure où les nouvelles règles y relatives sont nombreuses, et peuvent pour le surplus faire l’objet d’interprétation divergentes, nous les examinerons dans un article séparé.

Nécessité d’un écrit

Le contrat de bail d’habitation doit désormais être écrit et contenir un certain nombre d’informations, sous peine de nullité. Un contrat verbal n’est plus valable.

Cela peut d’abord punir le locataire peu prudent : si un bail écrit existe, mais ne correspond pas aux nouvelles exigences légales – requises sous peine de nullité – le bailleur pourra plus facilement obtenir le déguerpissement du locataire, en invoquant la nullité, sans devoir respecter les conditions strictes prévues en cas de résiliation de la part du bailleur.

D’autre part, il arrive parfois qu’un propriétaire permet à une personne d’occuper un local, parfois même pendant des années, mais sans écrit. Une question qui se pose alors fréquemment est celle de savoir si la relation contractuelle qui lie les parties doit être qualifiée juridiquement de bail d’habitation, ou plutôt de convention d’occupation précaire, sachant que ce dernier type de contrat n’offre pas de protection spéciale en faveur de l’occupant.

Dans la mesure où un bail d’habitation doit être conclu par écrit, l’occupant ne pourra en principe plus argumenter que cette première qualification serait à retenir, et risque alors de ne pas pouvoir bénéficier des règles protectrices.

Mais les bailleurs doivent également faire attention : En cas de nullité, le contrat est annulé rétroactivement, ce qui donnera droit à des restitutions : le loyer payé devra en principe être restitué. Nous sommes d’avis que le bailleur devrait pouvoir faire valoir une « restitution par équivalent », soit une demande en paiement pour compenser la perte de jouissance des lieux. Or, une telle restitution n’est pas garantie, et tout éventuel montant serait en principe fixé souverainement par les juges, sans devoir nécessairement correspondre au loyer fixé entre parties. Le bailleur risque ainsi de se voir allouer des montants inférieurs au loyer convenu, voire même de devoir restituer tous les loyers sans compensation, même si cette dernière solution nous semble moins probable.

Partage des frais s’agence

Les frais d’agence doivent désormais être partagés par moitié entre le bailleur et le locataire, ce qui met fin à une pratique bien répandue au Luxembourg.

Plafonnement du loyer

Le plafonnement du loyer reste fixé à 5% par an du capital investi, malgré plusieurs débats animés à ce sujet.

La notion de « logement de luxe » est abolie, mais un surplus mensuel, en sus du loyer, peut être demandé pour un logement meublé, ne pouvant dépasser 1,5% du montant total des factures des meubles garnissant, achetés au cours des dernières 10 ans.

Attention : Le supplément doit être indiqué séparément du loyer dans le contrat de bail.

Augmentation du loyer

L’augmentation du loyer et du surplus pour le mobilier, qui ne peut se faire que tous les deux ans, est désormais limitée à 10%.

La loi antérieure prévoyait que toute augmentation dépassant ce taux s’appliquerait par tiers annuel.

Une augmentation supérieure n’est en revanche pas automatiquement invalable. La loi est claire pour dire que la part du loyer dépassant le taux de 10% n’est pas due à partir du premier terme suivant la réclamation adressée par le locataire au bailleur par lettre recommandée.

Garantie locative

La garantie locative ne peut désormais excéder 2 mois le montant du loyer, au lieu de 3 mois.

Si l’état des lieux de sortie correspond à celui d’entrée, à l’exception de l’usure normale, et qu’il n’y a pas d’arriérés de loyer ou de dommages, la moitié de la garantie locative doit être restituée dans un mois suivant la remise des clés.

La régularisation définitive et la restitution du solde, après déduction des sommes justifiées, doivent intervenir dans le mois suivant la réception des décomptes de charges ou l’approbation des comptes annuels.

En cas de contestation par le bailleur, celui-ci peut retenir les sommes dues sous réserve de justification.

Si la garantie n’est pas restituée à temps, elle est majorée de 10 % du loyer mensuel par mois de retard, sauf si le retard est imputable au locataire.

Ces changements veulent empêcher que des bailleurs retiennent injustement la garantie locative pendant trop longtemps.

Il reste à voir comment ces changements seront appliqués par la jurisprudence.

Author

  • Fabien François est un partenaire au sein de l'étude de Lex Thielen au Luxembourg. Admis au barreau de Luxembourg en juin 2019, il détient une licence en droit privé de l’Université de Montpellier, une maîtrise en droit européen de la concurrence de l’Université d'Amsterdam (2017), et un LL.M. en droit européen et international des affaires du Trinity College Dublin (2018), avec distinction. Il est également auteur de divers articles dans son domaine d'expertise. Parlant couramment le luxembourgeois, l'allemand, le français et l'anglais, Fabien François est un professionnel accompli et polyvalent.

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