« Airbnb » est une plateforme collaborative payante qui permet aux particuliers de louer à des tiers tout ou partie de leur logement en tant qu’hébergement d’appoint. Phénomène de société récent et en pleine expansion, nous allons en aborder quelques aspects juridiques intéressants.
I) Contexte juridique
Si à son avènement la location Airbnb n’était pas régie par une législation spécifique, de nombreuses villes du monde entier se sont dotées aujourd’hui d’une réglementation, dont le contenu peut fortement varier.
Au niveau communautaire, la Commission européenne s’est prononcée en faveur des plateformes collaboratives au motif qu’elles contribueraient à l’économie et au marché intérieur.
Au Luxembourg, les plateformes collaboratives d’hébergements de courte durée rencontrent un accueil plutôt favorable.
Au niveau juridique, les relations des parties à la location type Airbnb sont, dans la plus grande majorité des cas, régies par le droit commun des contrats, voire par le droit commun du contrat de louage et non pas, comme le prétendent certaines sources, par la loi du 21 septembre 2006 sur le bail d’habitation.
En effet, la législation vise exclusivement la location dans un but d’habitation principale et exclut les résidences secondaires.
Le Grand-Duché a manifesté son intention de ne pas établir de normes spécifiques s’appliquant aux plateformes en question tant que les particuliers ne se comportent pas comme de véritables professionnels. Ils devront cependant respecter plusieurs règles :
- Les critères légaux de salubrité, hygiène, habitabilité et sécurité de l’hébergement ;
- La tenue des fiches d’hébergement des voyageurs ;
- La déclaration des revenus provenant de l’activité (il est à noter que l’Administration des contributions directes consulte régulièrement la plateforme et recourt aux vérifications afférentes) ;
- Depuis récemment, la déclaration préalable au bourgmestre de la mise en location des lieux et du nombre maximum de personnes pouvant y être logées[2]
L’on songe finalement à l’article 18 de la loi modifiée du 17 juillet 1960 portant institution d’un statut de l’hôtellerie, interdisant à tout particulier « héberger habituellement contre payement des voyageurs s’il n’a pas fait enregistrer ses chambres par l’administration communale de la situation des chambres » sous peine d’amende de 25 à 250 euros (la définition de la fréquence d’hébergement susceptible de poursuites fait cependant défaut).
II) Quelques aspects particuliers
- Airbnb et le locataire
Un contentieux important est susceptible de se développer s’agissant des locataires tirant un profit de leur logement via Airbnb.
L’article 1717 du Code civil luxembourgeois permet au preneur de sous-louer son logement. Cette disposition n’étant toutefois pas d’ordre public, la plupart des contrats l’écartent purement et simplement. Qu’en est-il dans l’hypothèse d’Airbnb ?
Dans une décision du Tribunal de Paix de Luxembourg, des locations fréquentes par le biais de la plateforme « Airbnb » ont été jugées contraires au contrat de bail qui contenait une clause interdisant la sous-location.[3]
Il faut cependant noter que dans le cas d’espèce, le bail pris en son intégralité semblait clairement interdire la location type Airbnb en vertu notamment d’une autre clause. Il n’est dès lors pas certain si la clause d’interdiction de sous-location aurait à elle seule été suffisante pour interdire la location via une plateforme collaborative, bien que l’auteur soit de cet avis.
En dehors de l’article 1717, l’article 1729 du Code civil offre au bailleur davantage d’options, en lui permettant de résilier le bail judiciairement si le preneur emploie la chose en-dehors de sa destination.
Afin d’éviter toute discussion, il est recommandé au bailleur de prévoir dans son bail une clause interdisant, sans son accord exprès et préalable, tant la sous-location que la location ou la mise à disposition via une plate-forme d’hébergement comme Airbnb.
- Airbnb et la copropriété
Selon l’article 2 de la loi modifiée du 16 mai 1975 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis, le copropriétaire jouit librement des parties privatives et communes sous
réserve des droits des autres copropriétaires et de la destination de l’immeuble. Cette destination est l’usage auquel les copropriétaires ont entendu affecter l’immeuble compte tenu de ses situation et aménagements et conformément au règlement sur les bâtisses. Elle doit figurer au règlement de copropriété.
En cas d’absence d’interdiction particulière, il est probable qu’un juge considère comme autorisée la location Airbnb dans un lot de la copropriété, sauf éventuellement s’il contient une clause d’habitation bourgeoise (qui interdit toute activité professionnelle). En effet, des locations type Airbnb effectuées de manière répétée sont le cas échéant susceptibles de constituer une activité professionnelle.
Le règlement de copropriété peut encore prévoir expressément que les locations type Airbnb sont interdites. Une telle clause d’interdiction pourrait se justifier dans une copropriété à caractère principalement résidentiel. Les juges apprécieront au cas par cas, car la loi sur la copropriété dispose que le règlement de copropriété ne peut imposer aux copropriétaires des restrictions injustifiées, les clauses restrictives des droits des copropriétaires étant d’ailleurs d’interprétation stricte.
- Airbnb et la commune
Le législateur a prévu des sanctions pour tous ceux qui enfreignent de quelque manière que ce soit les prescriptions des plans d’aménagement d’une commune.[4]
Lorsqu’un plan d’aménagement prévoit que certaines constructions ne peuvent être utilisées pour l’exploitation d’un commerce, des locations répétées à courte durée de ce logement pourraient être contraires au plan d’aménagement si l’on considérait que ce type de location effectué à titre habituel est de nature commerciale. Toutefois, il n’est pas certain que cette activité puisse être considérée comme « exploitation d’un commerce », la location concernant des logements.
D’autre part, une seule location à courte durée peut également s’avérer contraire au plan d’aménagement d’une commune si le logement loué est qualifié de maison unifamiliale, bi-familiale ou plurifamiliale, ces types de logement devant servir au logement permanent.[5]
Enfin, dans le cas où une location type Airbnb n’est pas en soi incompatible avec les plans d’aménagement, il faut veiller à demander l’autorisation préalable du bourgmestre en cas de changement d’affectation des lieux.[6]
La location type Airbnb pourrait le cas échéant constituer un changement d’affectation par la transformation d’un logement d’habitation en logement à vocation commerciale (à condition que des locations répétées à courte durée puissent être considérées comme une « exploitation d’un commerce ») ou par la transformation d’une maison unifamiliale, bi-familiale ou plurifamiliale en logement ne servant pas d’habitation permanente.
[1] Lex Thielen est avocat à la Cour et auteur des livres « Le contrat de bail », « Le droit de la construction », « Tout savoir sur l’immobilier » et « Immobilienrecht in Luxemburg, einfach erklärt » parus aux Éditions Promoculture/Larcier, ainsi que du livre « Les professions de l’immobilier en droit luxembourgeois » paru aux Éditions Larcier.
[2] Par une loi du 20 décembre 2019 et son règlement d’exécution du même jour, le Gouvernement luxembourgeois est venu modifier les critères de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’habilité pour les logements et chambres loués ou autrement mis à disposition à des fins d’habitation. Même si les lieux loués par une plateforme collaborative ne constituent généralement pas des résidences principales au sens de la loi du 21 septembre 2006, il n’en reste pas moins qu’ils sont loués à des fins d’habitation. Il nous semble dès lors que la déclaration au bourgmestre prévue par la loi du 20 décembre 2019 est obligatoire en as de location type « Airbnb ».
[3] Tribunal de Paix de Luxembourg, 13 juin 2019, jugement n° 2008/2019.
[4] Article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
[5] S.Couvreur, Vers une réglementation « Airbnb » au Luxembourg ?, Krieger et Associées, novembre 2018, http://www.krieger-avocats.lu/blog.
[6] Article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
Author
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Lex Thielen est un avocat luxembourgeois, admis au barreau en 1987. Diplômé de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, il se spécialise en droit civil (immobilier, construction, copropriété), droit commercial et criminalité économique. Auteur de plusieurs ouvrages juridiques, il est également notaire, médiateur pénal, consul honoraire d'Estonie et membre fondateur de diverses associations. Polyglotte, il parle luxembourgeois, allemand, français, anglais, espagnol et a des connaissances en italien, portugais et russe.
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