Contrairement à l’opinion générale, un contrat de bail conclu par une personne physique ou morale exerçant une profession libérale (tels que les avocats, médecins, ou même comptables), n’est en principe ni un bail commercial, ni un bail d’habitation. Il est primordial de conclure un contrat de bail convenant au locataire en fonction de l’usage prévu du bien loué.
La qualification de bail professionnel
La qualification de bail d’habitation est à écarter à partir du moment où le locataire n’entend pas faire un usage personnel des lieux loués.
De même, le bail commercial ne trouve en principe pas non plus application puisque le locataire ne prévoit aucune activité commerciale, industrielle, ou artisanale.
Quid des études d’avocats, des médecins, du kinésithérapeute, ou même du bail professionnel conclu entre deux sociétés commerciales ?
L’objet social de la société et l’activité exercée dans les lieux loués sont essentiels. Si le bien est loué par une société commerciale afin d’y exercer une profession libérale, le contrat sera qualifié de bail à usage professionnel. Dès que le bail est destiné à l’exercice d’une activité commerciale, on tombe alors à nouveau sous le champ de l’article 1762-3 du Code civil et des dispositions portant sur le bail commercial.
A titre d’exemple, une société anonyme et une S.A.R.L. ont conclu un contrat de bail. Le bailleur soutient qu’il s’agit d’un bail professionnel, et la société locataire fait valoir qu’il s’agit d’un bail commercial et qu’elle bénéficie des protections prévues par la loi. Cette dernière étant une société commerciale, exerçant une activité commerciale, le Tribunal a requalifié le bail professionnel en bail commercial[1].
Dans l’examen de la qualification de bail professionnel, les tribunaux luxembourgeois tiennent également compte de l’intention des parties. Est notamment qualifié de bail professionnel un contrat conclu entre une société anonyme et une S.A.R.L. pour lequel les parties ont convenu que l’activité exercée par la S.A.R.L. n’était pas de nature commerciale[2].
Dans le cas d’un bail conclu par une étude d’avocats, il convient de rappeler que l’article 34-2 de la loi du 10 août 1991 sur la profession d’avocat prévoit que les études d’avocats ont une nature civile ce malgré l’adoption de la forme d’une société commerciale[3].
Les clauses à prévoir
Les dispositions prévues par la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation ni la loi du 3 février 2018 portant sur le bail commercial ne s’appliquent pas au simple bail professionnel.
A ce jour, le bail professionnel n’est pas réglementé par des dispositions particulières. Ce sont partant les dispositions du Code civil communes à tous les baux (articles 1713 et suivants du code civil) qui s’appliqueront.
Il est dès lors essentiel de bien définir les clauses du contrat de bail professionnel non-régies par les dispositions du Code civil afin de protéger les droits du bailleur comme du locataire.
Il est important de définir clairement la durée du contrat ainsi que les modalités de renouvellement ou de non-renouvellement du bail. Une durée de six années pourrait être envisagée, là où une durée de bail plus longue serait à éviter.
Une définition claire des conditions de résiliation et des modalités de préavis s’impose. Le bail peut-il être résilié avant l’échéance ? Avec quel préavis le locataire peut-il résilier le contrat ?
Il convient évidemment de préciser le montant du loyer et les modalités de paiement, tout comme la répartition des charges (entretien, réparations, taxes, etc.) et surtout une éventuelle indexation. En effet, là où l’indexation automatique des loyers est interdite pour les baux d’habitation, elle est parfaitement autorisée pour les baux à usage professionnel, à l’instar des baux commerciaux.
Il est également essentiel de spécifier l’activité professionnelle que le locataire est autorisé à exercer dans les locaux. Dans le cas d’un bail professionnel, seules les activités libérales sont autorisées, à l’exception de l’accord des parties sur la qualification d’activité non-commerciale, reconnue par la jurisprudence. Toujours est-il que si le locataire souhaite changer d’activité, l’accord du propriétaire devra être sollicité.
Il est conseillé de définir si le locataire est autorisé à effectuer des travaux dans les locaux loués, et dans quelles conditions, les professions libérales nécessitant parfois des aménagements spécifiques.
Comme pour les autres types de baux, le dépôt de garantie doit être mentionné alors qu’il sert de couverture pour d’éventuels dégâts ou manquements dans le paiement du loyer.
Le bail professionnel au Luxembourg paraît donc comme l’option idéale pour les professions libérales et autres activités non commerciales. Etant soumis à la liberté contractuelle, sa flexibilité en matière de durée, de résiliation et de loyer en fait un contrat adapté à de nombreux besoins. Il convient cependant d’être attentif à la formulation des clauses contractuelles et leurs conséquences sur vos droits en tant que bailleur ou locataire.
Bien comprendre ses différences par rapport au bail d’habitation et au bail commercial vous permettra de choisir le contrat convenant le mieux à votre situation professionnelle.
[1] Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 27 juin 2023, n°2023TALCH03/00126
[2] Justice de paix de Luxembourg, 2 février 2023, Rép. N° 330/23.
[3] Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 4 janvier 2021, n°2021TALCH14/00001
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Léa Ragazzini est avocate inscrite au barreau de Luxembourg depuis juin 2023. Née le 10 mai 1999 à Metz (France), elle est titulaire d’un Bachelor en droit transnational ainsi que d’une maîtrise en Droit européen et d’un Master (LL.M) en Droit et Contentieux de l’Union européenne, tous obtenus à l’Université du Luxembourg. Polyglotte, elle maîtrise le français et l’anglais, et possède également des connaissances en allemand.
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